jeudi 3 octobre 2013

Jane Eyrotica de Charlotte Brönte & Karena Rose

Année d'édition : 2013
Edition : Pocket
Nombre de pages : 300
Public visé : Adulte
Quatrième de couverture :
Jane Eyre a mené une dure vie de recluse : orpheline dès son plus jeune âge et méprisée par le reste de sa famille, elle a été envoyée à l'Institut Lowood, avant de devenir gouvernante au manoir de Thornfield. Elle qui n'a jamais pu satisfaire qu'en rêve ses besoins de tendresse et d'affection se trouve plongée dans un univers de passion, de désir et de sexe qu'incarne à ses yeux naïfs la personne du fier et ténébreux maître de la maison, Mr Rochester. Après quelques timides tentatives pour échapper à ses avances, Jane s'abandonne à son désir sauvage et brutal et se perd dans la fièvre de sa propre sensualité. Persuadée qu'un coeur se cache derrière les airs sombres et les réactions parfois brutales de son amant, elle cherche désespérément son amour et ses caresses avides. Mais elle découvre alors quelque chose dans le grenier... et son univers bascule pour toujours.


J’ai reçu la version poche de ce roman dans le cadre d’un partenariat entre le forum Mort Sûre (de lectures) et les éditions Pocket.
Pour replacer dans le contexte, la plupart des lectrices du forum qui se sont exprimées lorsque ce titre est arrivé en partenariat se sont montrées frileuses, sur le principe. En effet, une auteure contemporaine a détourné le chef d’œuvre de Charlotte Brontë, devenu un classique, pour en offrir une version érotisée. Nous étions en réalité toutes perplexes face à cette appropriation, avec la peur d’une trahison de l’original. Ma curiosité étant ce qu’elle est, et mon absence de pudibonderie aussi (surtout vu ce que je lis à la chaîne ces derniers temps…), j’ai cédé à la curiosité et je me suis proposée pour cette lecture, qui m’a été confiée. Je dois avouer, tout de même, que je n’avais pas lu le roman original… Je répare actuellement mon erreur.
Ce qui me permet déjà de prévenir : Jane Eyrotica n’est pas un Jane Eyre enrichit de scènes sensuelles ou érotiques. Karena Rose a « taillé dans le gras » et offre une version condensée du roman d’origine, qu’elle a ensuite érotisée et qui se lit vite.

Il découle donc 2 questions au sujet de Jane Eyrotica :
- Karena Rose a-t-elle respecté ou trahi l’œuvre originale ?
- l’érotisation est-elle réussie ?
Aux deux questions, je réponds à la fois oui et non… une belle réponse de normande élevée au beurre et à la crème fraîche, je sais.

La quatrième de couverture du grand format annonçait une héroïne aux yeux naïfs, c’est une erreur, car Jane n’est pas plus naïve qu’elle n’est innocente ; en cela, Karena Rose a respecté le personnage de Charlotte Brontë, qui est certes effacée dans son comportement, par certains aspects, mais n’en pense pas moins et n’est pas un personnage passif.
Jane Eyre est une femme passionnée, entière, que son enfance a rendue avide d’affection et ces aspects sont bien conservés et même exploités dès le début par Karena Rose. Après, les amateurs de la version originale pourront crier au scandale en apprenant que John Reed fut le premier amant de Jane Eyre, pour ma part n’ayant pas encore lu Charlotte Brontë lorsque j’ai débuté Jane Eyrotica, cela ne m’a pas choquée car cela a été bien amené, à mon sens, en justifiant la faiblesse de Jane par son profond besoin d’affection. Le point fort étant que c’est elle qui repousse John, quand il adopte un comportement abusif, ce qui respecte l’original.
C’est d’ailleurs un aspect que j’ai apprécié dans cette appropriation du chef d’œuvre : il évite les poncifs des romances, avec une jeune fille vieillie de quelques années au début du roman de façon à ce qu’elle soit déjà en cours d’apprentissage de sa sexualité. Au moins, Karena Rose nous épargne une version vierge effarouchée de l’héroïne, tout en osant aborder un détail pratique tout à fait juste dans le contexte historique : la crainte de tomber enceinte (les amants de Jane se retirent pour lui éviter cette déconvenue, certes nous savons tous que cela n’empêche pas les accidents, mais c’est déjà bien d’oser aborder ce point qui reste trop souvent oublié).
Par contre, même si j’admets que c’est un choix qui se défend, l’ajout du dessin du bellâtre dont les yeux noirs vont poursuivre Jane pendant des années m’a laissée mi-figue mi-raison (étrange, j’ai senti que ça, ce n’était pas dans l’original, d’office…).

Un autre point qui m’avait dérangée dans la quatrième de couverture du grand format, c’est la mention des « timides tentatives pour échapper à aux avances de Mr Rochester », c’est clairement à se demander si l’auteur de la-dite quatrième a lu Jane Eyrotica. De ce fait, je préfère nettement la quatrième de couverture offerte par les éditions Pocket pour la version poche, qui est bien plus proche du roman (même si a aucun moment je n'ai senti Jane "à la merci de toutes les convoitises" : Jane n'est aucunement une victime, et ça, j'ai beaucoup apprécié).
(j’ai ajouté la quatrième de couverture de la version poche en fin de chronique)

Ce qui me permet, accessoirement, de remonter un point que je reproche à Karena Rose : elle n’offre pas au lecteur une montée en puissance dans la relation érotique enre Jane et Edouard, qui n’a rien de timide, pour la peine. Parlons peu, parlons bien : ils ont une relation sexuelle dès leur première rencontre (oui, sur le bord d’un chemin de campagne, en plein mois de janvier bien froid, ça n’a pas eu sur moi l’effet escompté, ça m’a juste fait grincer des dents).
J’ai trouvé cela dommage, j’aurais préféré un peu de « tension sexuelle non résolue » entre eux avant qu’ils ne cèdent à leur attirance.
Et, plus loin dans le roman, la scène de la cravache est vraiment de trop, elle arrive comme un cheveu sur la soupe, n’apporte rien et ne correspond pas aux personnages. Là, je ne comprends pas ce que Karena Rose a voulu faire. Céder à la mode BDSM, j’imagine ? Pourtant dans le contexte, cette unique allusion - qui sera sans aucune suite - fait tâche, à mon sens.
C’est dommage car l’ensemble des ajouts érotiques est plutôt bien géré et émoustillant en dehors de ces deux exceptions. Certes, j’ai lu des textes plus chauds, mais Karena Rose était tenue d’intégrer ses ajouts dans le style d’une trame qui ne lui permettait pas toutes les libertés.
De plus, et là c’est le gros point fort dont je félicite Karena Rose, elle n’a pas cherché à érotiser à tout va. Elle n’a pas changé Jane en « chatte en chaleur » qui sauterait sur tout ce qui bouge, au contraire. J’ai vraiment eu la crainte qu’elle en fasse trop, en modifiant par exemple les amitiés de l’héroïne en relation saphiques, ce qui aurait été à mes yeux une véritable trahison de l’œuvre originale. Par chance, elle a échappé à ces sirènes.
Puis surtout, elle m’a donné envie de lire l’œuvre originale, dont le style est magistral.
Donc, même si cet exercice d’appropriation continue de me laisser perplexe et seulement à moitié convaincue, je n’en regrette pas la découverte.

Pauvre, pauvre Jane Eyre ! Recueillie par une tante acariâtre à la mort de ses parents, l'orpheline ne tarde pas à connaître les rigueurs de la pension. Une adolescence misérable, à la merci de toutes les convoitises, dont elle sera libérée par une place inespérée de gouvernante. Au manoir de Thornfield, Jane connaîtra enfin la paix. A moins que le maître des lieux, le ténébreux Rochester, ne lui impose de nouveaux liens, autrement brillants... Karena Rose se glisse dans l'un des plus grands romans de la littérature anglaise pour en faire jaillir tout l'érotisme et la sensualité.

Chronique de Roanne

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