mercredi 6 février 2013

Drood de Dan Simmons

Année d'édition : Décembre 2012
Edition : Pocket
Nombre de pages : 1213
Public visé : Adulte
Quatrième de couverture : Le 9 juin 1870, Charles Dickens meurt, laissant inachevé Les mystères d'Edwin Drood, roman policier avant l'heure. Il n'a pu écrire que six épisodes sur les douze prévus. Cinq ans plus tôt, Dickens était miraculeusement sorti indemme d'un dramatique accident de train. Dan Simmons s'empare de cet événement : alors que Dickens tente d'aider les voyageurs blessés, il aperçoit un personnage spectral au nez et aux doigts coupés, Drood. Dickens se rend chez l'écrivain Wilkie Collins, son collaborateur et rival, et lui fait part de l'épisode étrange qu'il vient de vivre. Les deux compères se mettent en chasse de leur Moriarty - ennemi le plus redouté de Sherlock Holmes - à eux : Drood. À travers les bas-fond de Londres à l'époque victorienne, dans le brouillard des hallucinations de Wilkie Collins qui abuse de son traitement au laudanum, on découvre un Dickens promeneur infatigable, féru d'hypnose, amoureux clandestin d'une jeune actrice et dont le sombre esprit se fêle un peu plus à chaque page.


Le 9 juin 1865, le train abord duquel Charles Dickens était monté déraille. Sa voiture est miraculeusement épargnée et l'écrivain ne subit aucune blessure grave, ce qui n'est pas le cas de plusieurs d'autres personnes qui étaient aussi abord. L'accident de Staplehurst restera pourtant gravé dans sa mémoire puisqu'en plus d'avoir subi un profond choc nerveux, Dickens fait la rencontre d'un énigmatique personnage: Drood. Cet homme que l'on pourrait qualifier de créature le tourmentera pendant cinq longues années et ce jusqu'à sa mort en 1870. Qui est ce Drood? Le fruit de son imagination fertile, une hallucination suite au choc subi? Ou est-il bien réel? Dan Simmons s'empare de l'accident de Staplehurst pour nous entraîner dans une lente décadence vers une sombre et insidieuse folie...

L'histoire est racontée par un autre auteur de l'époque, un certain Wilkie Collins. Il était l'ami, le rival et le précieux collaborateur de l'Inimitable (surnom de s'est affublé Dickens lui-même mais qui sera repris par Wilkie). C'est écrit sous la forme d'un mémoire qu'il adresse à des lecteurs plus de cent ans après sa mort. Autrement dit, nous. On ne sait pas, avant la toute fin, à quelle date Wilkie écrit ceci. L'essentiel de l'histoire se déroule donc de 1865 à 1870, comme je l'ai mentionné un peu plus haut, date de la mort de Dickens. Ceux qui connaissent un peu la bibliographie de Dickens remarqueront la référence dans le titre à son roman inachevé "Le mystère d'Edwin Drood".
L'intrigue et ce roman sont lié plus ou moins directement, effectivement.

L'intrigue est très complexe. Tous les détails sont importants.Il faut les retenir bien que le narrateur nous les rappelle de temps en temps. Il faut s savoir faire la différence entre la réalité et la fiction (à l'intérieur du roman bien sûr). Le narrateur est très souvent sous l'influence du laudanum et de l'opium. D'ailleurs, c'est un thème très récurrent dans ce roman. La vive opposition que Dickens émets concernant l'absorption de ces substances par Collins est répétée à plusieurs reprises. Or, nous savons tous quels sont en sont les effets ce qui rend difficile de distinguer ce qui s'est vraiment passé des hallucinations de Wilkie. Drood est la clé du mystère. L'énigme principale à résoudre. Je ne peux pas en dire davantage sur ce personnage sans risquer de trop en dévoiler. La quête pour le retrouver nous mènera dans la Babylone de Charles Dickens, le Grand Four ou plutôt les bas-fond de Londres. Opiomanes, prostituées, voleurs, marginaux se retrouvent dans ces quartiers et c'est par là que la grande quête débutera. Même si il n'a pas la forme d'un roman policier, on remarque souvent des similitudes avec ce genre. Des indices, des révélations troubles et des personnages qui ne sont pas ce qu'ils semblent être. Pourtant, malgré ces éléments nous faisons face ici à un roman qui transcende tous les genres que l'on aurait pu lui attribuer.

Je ne peux pas passer à côté d'un autre thème omniprésent de ce roman soit le mesmérisme ou le magnétisme animal. C'est une doctrine développée au 18ième siècle par
Franz Anton Mesmer qui est en quelque sorte le précurseur de l'hypnose. Le contrôle mental, la suggestion ou l'implantation d'une idée dans la tête de quelqu'un, etc.
Dans ce récit, Charles Dickens est obsédé par ce procédé. On le mentionne souvent et j'avoue que c'était un phénomène qui m'était inconnu jusqu'à ce jour. Ce thème nous transporte vers le spiritisme, le rêve et les hallucinations.

Je n'ai jamais lu Charles Dickens ni Wilkie Collins et je le regrette maintenant. Je connaissais, certes, plusieurs ouvrages de ces deux auteurs mais que de nom.Les nombreuses références de l'auteur sur leurs oeuvres ont un peu gêné ma lecture puisque je ne connaissais pas tous les détails et je n'ai pas dû saisir toutes les nuances.
Je crois que les amateurs de Dickens sauront encore plus apprécier cet ouvrage bien qu'inversement ce soit aussi possible! J'ai beaucoup apprécié les nombreuses références à tous les romans de Dickens et Collins et la manière dont ils sont analysés. On remarque les inspirations des deux hommes pour leurs personnages et leurs histoires. Je pense notamment à l'inspecteur Field qui a inspiré l'inspecteur Buckett de Dickens et peut être le sergent Cuff de Collins. À la toute fin, Wilkie nous fait remarquer chacun des titres de ces romans qui sont reliés à différentes parties de sa vie.

La relation entre nos deux personnages principaux est tumultueuse. Wilkie voue une très grand admiration à son ami et rival, Charles Dickens. Pourtant, il critique avec véhémence ses écrits, tout au long du livre. Sa jalousie et son désir de surpasse Dickens et de prouver sa supériorité sont pratiquement aussi forte que son admiration.
Le personnage de Wilkie apporte une touche d'humour subtil au récit. Il aime tourner au ridicule Dickens tout en faisant son éloge. Oui, ce roman est une éloge, un hommage au grand écrivain et au grand homme qu'a été Dickens. La description de ses lectures et des oeuvres sont impressionnantes. Wilkie dit regretter que les lecteurs du futur ne puisse entendre et voir Dickens en personne. On décrit Dickens comme ayant une personnalité littéraire qui mêle frivolité et folie qui confirme qu'il n'y pas de génie sans cela. Les discussions entre nos deux protagonistes sont savoureuses et dirigée avec intelligence. Malgré ses deux traits de caractère, Dickens reste un personnage très mystérieux et imprévisible surtout lorsqu'il est question de Drood. C'est aussi un roman psychologique car il présente un Wilkie Collins sous tous les aspects de sa personnalité. Il peut être émotif, violent, tourmenté, effacé. C'est un personnage détestable et attachant car il est terriblement humain. Il nous fait passer par toute une gamme d'émotions. Les descriptions sont parfois très longues et certains passages m'ont plongés dans un état léthargique jusqu'à que l'auteur me ramène à la vie avec un brin d'action. On passe tellement de temps à décrire de petites choses que finalement on a l'impression de connaître Wilkie et de l'avoir côtoyer. Inévitablement, avec un roman d'une telle envergure, on passe tellement de temps à le lire qu'on finit par s'y attacher et à ne plus vouloir le quitter.

La documentation est tellement impressionnante que j'ai souvent eu l'étrange impression d'avoir entre les mains un véritable récit de la plume de Wilkie Collins. On y retrouve tous les éléments majeurs de sa vie en ordre chronologique. On y rencontre aussi ses inspirations pour ses romans à travers les gens qu'il côtoit, Dickens lui-même et son passé en général, J'ai adoré les allusions aux grands noms de cette époque comme Edgar Allan Poe, Mark Twain, William Makepeace Thackeray , William Macready, Ralph Waldo Emerson, Edgar Allan Poe, John Everett Millais et plusieurs autres. J'ai bien aimé aussi les nombreuses références historiques, les descriptions de la ville de Londres à l'époque victorienne. Je me sentais comme si j'y étais. On se balade dans les profondeurs de la brumeuse et nauséabonde Londres.

On suit aussi beaucoup l'évolution des courants littéraires et du monde du livre vu par un homme de ces années là. L'écriture, la publication, la réaction du public, etc.
On peut y observer l'engouement du public pour les romans de Dickens et Collins, de leur vivant. On les voit à un moment de leur ascension vers la gloire. Ils sont vulnérables. De nos jours, ils sont des légendes à tout jamais figées dans le temps et dont le succès ne peut plus être contesté. Une petite touche de réalisme que j'ai fortement apprécié. Je crois que le seul point qui m'ait réellement gêné était les sauts dans le passé et dans le futur. J'ai trouvé que ça rendait le récit assez confus même si on le mentionne très clairement. Avec du recul, je pense que cela renforce l'impression d'avoir entre les mains un véritable mémoire et non roman structuré d'avance.

Un roman que je recommande à tous et toutes! Je n'avais jamais lu Dan Simmons jusqu'à maintenant mais je pense bien me pencher un peu sur ses autres romans.
Un hommage dickensien monumental qui restera gravé dans ma mémoire. Je tiens à remercier le forum Mort-Sûre et les éditions Pocket pour ce magnifique partenariat.

Chronique de Lady Swan

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